De l’abus à l’abondance

Resources - Jaramillo, CarlosNote de l’éditrice : Carlos Jaramillo était un homme brisé lorsque Dieu l’a appelé au ministère alors qu’il avait une brillante carrière comme pilote commercial. L’abus commis par ceux qui avaient été ses guides spirituels à l’endroit où il assistait lui avait laissé de profondes cicatrices. Au séminaire, les leaders de l’Église El Redil à Medellín ont commencé un travail de mentorat auprès de lui et l’ont aidé à surmonter les effets de cette expérience. Maintenant qu’il est devenu le leader et pasteur d’une Église de 300 personnes, le mémoire que Carlos a soumis au séminaire portant sur l’abus spirituel est devenu un livre utilisé en Colombie pour aider les autres pasteurs à faire face à la problématique de l’abus fait par une personne en autorité spirituelle.

« Les hommes ne font jamais le mal si complètement et joyeusement que lorsqu'ils le font par conviction religieuse.» – Blaise Pascal, Pensées (1670)

La problématique de l’abus par une autorité spirituelle est une constante dans bien des Églises chrétiennes. La raison derrière ce type de leadership est complexe, mais l’on peut arriver à l’identifier.

Il est évident que l’autorité exercée par des leaders détermine le type d’Église qui se développera. Mais pourquoi un leader décide-t-il d’exercer l’abus de son autorité auprès de ses brebis?

Des blessures non guéries constituent un facteur important de la manière de diriger d’un leader. « Les gens blessés blessent les autres gens », dit un proverbe populaire. Un leader blessé essaiera d’ériger des barrières dans ses relations pour se distancer d’une agression possible provenant des autres. À cet effet, il est capable de poser tous les gestes ou de prononcer tous les mots allant dans ce sens. Il est prudent dans ses relations et n’autorise pas la confrontation, qu’il considère comme une menace.

La paranoïa est caractéristique d’une personne inquiète; il s’agit là d’une psychopathologie présente chez cette personne qui possède un quotient intellectuel élevé. Tout ce qu’elle observe autour d’elle et qu’elle ne comprend pas, elle l’identifie comme étant une stratégie conçue contre elle.

Une pensée polarisée est un autre symptôme d’un leader maltraitant. La solution mitoyenne n’existe pas. Les gens qui sont dirigés par ce schème de pensée sont incapables de percevoir les demi-tons. C’est précisément ce qui a engendré tant de conflits entre les pharisiens et Jésus. Ils ne pouvaient accepter l’attitude de Jésus envers les pécheurs. Un leader inquiet cherche à contrôler les règles du jeu de ceux qui sont « branchés » et ceux qui ne le sont pas. Il n’y a aucun équilibre entre la vérité et la grâce.

Un leader maltraitant a besoin de contrôler les demandes des gens et de prédire les conséquences de leurs réactions pour établir un certain degré de sécurité personnelle. Voilà pourquoi les leaders inquiets (ceux qui ne croient pas que la faveur de Dieu repose déjà sur eux) sont les plus susceptibles de maltraiter spirituellement les autres. Plus un leader est inquiet, plus il accordera d’importance au titre qu’il détient. Son autorité est fondée sur ses accomplissements et non sur son identité en tant qu’enfant de Dieu. À cause de cela, il n’est pas surprenant qu’un leader commence à rechercher l’approbation des autres pour justifier son comportement envers ceux-ci.

L’abus spirituel se présente dans des situations où l’encadrement de Dieu est considéré comme un facteur déterminant dans la vie. Le leader devient « la voix de Dieu » en déterminant qui sont les autres ou ce que les autres accomplissent. L’Église, où une recherche authentique de l’identité et des objectifs existe devient ainsi un endroit fertile pour l’abus.

Lorsqu’une personne reçoit la capacité de valider quelqu’un d’autre, elle reçoit également la capacité de l’invalide. Lorsque les pères ne parviennent pas à valider leurs enfants, ceux-ci même lorsqu’ils sont devenus adultes cherchent à être validés par une autre autorité.

Tout le monde recherche « le roi » et si le leader spirituel n’est pas au courant d’un tel phénomène auprès de ses disciples, il prendra le rôle d’un dieu, consciemment ou inconsciemment. Une autorité inquiète se nourrira des quêtes de ses brebis.

Le berger sage ne se permettra pas d’être déçu en croyant qu’il porte le fardeau, l’identité ou les intentions de ses brebis. Il croit qu’il dirige son peuple vers le Bon Berger qui peut prendre soin de ses brebis, leur donner une identité et procurer un sens à leur vie. Le pasteur sage n’oublie jamais sa propre condition de brebis.

La meilleure manière d’éviter l’abus spirituel pour un pasteur est d’être convaincu de la faveur de Dieu envers lui et que sa validation provient de ce que Dieu le Père pense de lui. Il doit se rappeler qu’il a le même père que ses brebis. Jean 21 affirme clairement que si le pasteur (dans ce passage, il s’agit de Pierre) n’est pas convaincu de l’amour de Dieu envers lui et que l’amour doit prévaloir dans le ministère, alors il sera en danger dans le pastorat. Sans cette conviction, le berger nourrit les brebis et cherche les moyens, consciemment ou non de combler ses propres besoins par ses brebis. I Pierre 5.1-7 souligne comment les pasteurs et les leaders doivent se percevoir et reconnaître les brebis qu’il dirige.

En résumé, la brebis ou le berger qui ont besoin d’être validés s’autorisent à être coincés dans les filets de l’abus spirituel et d’une autorité mal utilisée.

Un leader en santé procure l’espace où les doutes peuvent être verbalisés, ainsi que l’espace pour risquer de nouvelles initiatives. Les leaders en santé sont vulnérables et peuvent partager leurs propres échecs ainsi que leurs besoins, permettant aux autres d’exercer un ministère envers eux. Les leaders vulnérables sont des hommes brisés et des femmes qui n’ont pas besoin de se protéger eux-mêmes par crainte de perdre quelque chose. Un leader sain se permet de se soumettre à la même autorité de Dieu et de sa parole auxquelles toutes les autres brebis se soumettent.


-Carlos Jaramillo a été le pasteur de l’Église El Redil à El Oriente en Colombie et sa femme Christina pendant dix ans. Phil Webb est missionnaire du Fellowship à l’étranger qui a servi en Colombie avec sa femme Deene, depuis 1983. Les Webb forment des pasteurs et des leaders pour un leadership de transformation.