Les briques écologiques : un projet de développement alternatif

FAIR - Jones, KatelynLa Colombie, la plus ancienne démocratie de l’Amérique latine, est affligée du plus grand conflit civil actif de l’hémisphère sud. En conséquence, l’un des grands défis de ce pays est de gérer le déplacement interne des personnes (DIP) causé par les hostilités en cours. Selon le Centre international de surveillance des déplacements, plus de 89 000 personnes ont été déplacées en Colombie au cours de la première moitié de 2011, ce qui totalise 5,2 M de personnes déplacées depuis 1985. Les populations autochtones et Afro-Colombiennes sont les plus affectées par ces migrations et elles vivent souvent dans des régions éloignées où l’aide sociale est inexistante, ce qui suscite de sérieuses inquiétudes sur le plan humanitaire.

Lors de ma première journée à Medellín, j’ai constaté l’ampleur de cette situation. La quasi-totalité des 110 000 personnes déplacées a trouvé refuge là-bas, dans la seconde ville colombienne en importance. Le centre de la ville est situé dans une vallée alors que les bidonvilles précaires longent les pentes des montagnes environnantes. La plupart des maisons sont faites de bloc de ciment et leurs toits sont minces. D’autres comportent des murs de plastique ou de carton. Certaines communautés possèdent des services essentiels comme l’électricité ou le transport, mais d’autres commodités comme l’eau courante, les égouts et l’enlèvement des ordures ne sont pas disponibles à tous. Ces bidonvilles sont le résultat de l’arrivée des DIP ruraux dans les villes comme Medellín. Dans beaucoup de régions, cette croissance urbaine a eu pour résultat le surpeuplement, des logements inadéquats, l’accroissement de la violence et des guerres de gangs dans bien des communautés, comme celle de Barrio Pacífico, juste à l’est de Medellín.

General - Eco-brick HouseJ’ai eu l’occasion de visiter le plus récent projet d’AIDE du Fellowship lors de mon séjour en Colombie, situé à Barrio Pacífico. Grâce au parrainage d’une toute nouvelle organisation à but non-lucratif appelée Menosbasura (signifiant « moins de perte »), le Fellowship contribue à améliorer les conditions de cette communauté. Menosbasura recycle les déchets pour produire des briques écologiques, remplaçant les briques traditionnelles dans la construction de d’établis, de murs et de maisons. Ces briques écologiques sont fabriquées avec des bouteilles de plastique qui sont ramassées puis remplies de déchets non-périssables jusqu’à ce qu’elles soient aussi solides que des briques. « Transformez votre monde, une bouteille à la fois », telle est la devise de Menosbasura.

La construction d’une maison à l’aide de briques écologiques a été la première initiative de Menosbasura, à l’intention de Doña Marta à Barrio Pacífico. Cette femme, déplacée par le conflit et obligée d’abandonner sa maison à la campagne des années plus tôt, est une pionnière de cette communauté. Elle y a vécu avec ses enfants dans une baraque de carton pendant quatorze ans et était donc une candidate toute désignée.

Sur place, j’ai eu l’occasion de discuter de ce projet avec Tania, la fille des missionnaires du Fellowship à l’étranger, Claudia et Diego Cardona, la co-fondatrice et la dirigeante de Menosbasura. Celle-ci m’a raconté que l’idée derrière les briques écologiques est d’encourager le développement ayant un objectif environnemental. Ce groupe vise à encourager les gens de cette localité à mieux gérer leurs déchets et à enseigner aux enfants à avoir de meilleures habitudes de gestion des déchets.

General - Fair, bottle made into eco-brickLes avantages environnementaux de ce projet sont évidents : des bouteilles qui autrement finiraient au dépotoir sont utiles, les émissions de CO2 sont ainsi réduites dans le relâchement condensé des émissions dans la fabrication des briques et parce que les briques écologiques, servant d’isolant, sont également bioclimatiques, la consommation d’énergie dans la nouvelle structure est réduite. Les effets bénéfiques d’un point de vue social sont également visibles, car cela répond au besoin de la communauté d’une gestion des déchets particulièrement améliorée tout en aidant l’un de ses membres.

Le développement est habituellement défini comme la réussite de l’établissement d’habitations selon des normes acceptables et une productivité optimisée dans la société. L’idée d’un développement comporte aussi des aspects qui ne sont pas matériels de bien-être, comme des possibilités en éducation, des soins de santé modernes et un accès à l’emploi, à la démocratie, aux droits et libertés et à un environnement sain est cependant récente. Je qualifierais la présente initiative comme un type particulier de développement, qui va au-delà de l’amélioration sensible des normes d’existence et de la productivité, et qui reconnaît la santé de la communauté et son environnement dans son ensemble dans un développement dynamique. Menosbasura, en tant que projet local, recherche l’apport de la communauté environnante pour diriger le projet et non d’en faire porter la responsabilité à une tierce partie ou à des gens éloignés.

Ce que j’ai vécu en Colombie offre un bon exemple de mes recherches sur ce pays. Les voix de la douleur et de la dévastation, de l’injustice et de la discrimination, de la résistance et de la lutte causées par le présent conflit partout se font entendre. Malgré cela, les perspectives de développement (des projets alternatifs et distincts, comme celui de Barrio Pacífico) commencent à apparaître.

-Katelyn Jones est la fille du président du Fellowship, Steven Jones, s’est rendue en Colombie en janvier 2012 pour observer les projets humanitaires d’AIDE en Colombie. Elle a également fait des interviews dans le cadre d’un cours crédité à la Ontario Western University.