Le rêve urbain de l’Amérique latine

À cette époque…

En 1968, W.H. MacBain, alors directeur du comité des missions à l’étranger du Fellowship reçut un appel téléphonique d’Amérique du Sud. Il s’agissait de Don Whiteside, qui désirait savoir si le Fellowship serait intéressé à établir un ministère en Colombie. Les Whiteside, qui étaient membres de l’Église Forward Baptist de Toronto, avaient déjà implanté une Église dans la ville de Medellín.

À la même époque, deux femmes célibataires, Mary Mejias et Helen Scoble, toutes deux membres de l’Église First Baptist de Waterloo, exerçaient un ministère sur la côte nord de Colombie depuis vingt ans et avaient exprimé leur désir d’être partenaires avec le Fellowship.

En 1974, la Colombie possédait une saine cohorte de missionnaires du Fellowship. Au cours des années qui ont suivi, un vaste terrain en dehors de Medellín a été acheté; une école destinée aux enfants des missionnaires y a été construite et on y a engagé du personnel; un centre de formation pour les pasteurs colombiens et les ouvriers a été mis sur pied; un ministère d’aumônerie pour les prisonniers a été démarré; et de nouvelles Églises ont été implantées.

Cependant, les guerres entre les cartels de la drogue et les tensions entre les organismes gouvernementaux et les caïds de la drogue compromettaient la sécurité du personnel et suscitaient une tension constante. Si bien qu’il est devenu nécessaire de vendre la propriété et de déménager l’école et les familles des missionnaires dans un endroit plus sûr de la ville. Tout comme la diaspora, ce déménagement relevait d‘implications divines. Les problèmes de sécurité avaient suscité un malaise chez les gens de classe moyenne et chez les professionnels de la société colombienne, et ainsi, une ouverture à l’Évangile. Le déménagement de nos missionnaires au cœur de la ville devint un formidable tremplin qui leur permit de saisir de nouvelles occasions de partager leur foi. Une nouvelle implantation d’église, El Redil (le refuge des brebis), visant particulièrement la classe moyenne, démarra en 1989.

C’est alors qu’une chose impensable et imprévue est survenue : la montée de la violence. Les étrangers, et les Colombiens qui leur étaient associés, étaient visés. C’est à contrecœur que nous avons dû prendre la décision de rapatrier notre personnel de ce pays jusqu’à ce que la situation se stabilise.

De ces circonstances douloureuses, deux bénédictions sont survenues. Nous avons décidé de diviser en deux l’équipe de Colombie. Une partie de l’équipe retournerait en Colombie et l’autre établirait une nouvelle œuvre missionnaire au Venezuela. La seconde bénédiction est survenue en Colombie. En l’absence des missionnaires, les leaders colombiens de l’Église avaient pris le relais. À leur retour, nos missionnaires ont découvert que le ministère qu’ils avaient été contraints d’abandonner avait été transformé. Au lieu de diriger le travail, ils devinrent les mentors et les conseillers des leaders colombiens et avaient désormais la latitude d’élargir les horizons de leur ministère.

L’Église El Redil a commencé à implanter de nouvelles Églises dans les banlieues de la classe moyenne de Poblado et d’Envigado.

 

… et maintenant

Le missionnaire chevronné Phil Webb écrit : « Dans une culture où les structures hiérarchiques ont toujours existé dans l’Église ou dans le système religieux, […] laisser les autres faire des progrès dans le leadership n’a pas été chose facile. La méfiance […] est la norme quand vient le temps de permettre aux autres de s’impliquer dans le ministère. La dépendance a également été un obstacle de taille à surmonter, mais il est très encourageant de voir l’Église colombienne s’approprier sa croissance et son administration sous tous ses aspects. »

Selon Diego Cardona, un missionnaire colombien, toutes les Églises de l’Association sont dirigées par des Colombiens. Son père, Jaime, a été pionnier en tant que premier pasteur de cette Église porte-étendard, démarrée par Don Whiteside bien avant cet appel téléphonique décisif. L’implantation d’Églises s’effectue souvent grâce à l’initiative des Églises. Ainsi, l’Église de Carthagène a implanté deux Églises au cours des cinq dernières années sans l’intervention de la mission.

Les Églises colombiennes étaient traditionnellement demeurées attachées à la mission sur le plan financier. Mais les temps ont bien changé. M. Webb souligne : « la mission offre encore du soutien financier pour les nouvelles implantations, mais seulement pour une période de deux ans et il est destiné généralement au personnel à l’œuvre dans la nouvelle implantation. »

Les « spécialistes » ont souvent insisté pour dire que les Églises desservant un groupe socio-économique plus faible ne peuvent atteindre les gens de niveau économique plus élevé, une théorie démentie par au moins une Église, raconte M. Webb. « L’Église de Palmito, une des villes les plus pauvres du département de Sucre avec un pasteur qui n’a qu’un diplôme de l’école secondaire, a été capable d’évangéliser les professionnels de sa ville… Elle a également démarré des œuvres auprès de la population locale et a aidé à fortifier deux autres œuvres. »

Les Églises d’El Redil, plus achalandées, sont devenues des modèles de bienfaisance et de bienveillance envers les moins fortunés. « J’ai été si impressionné par l’attitude de nos pasteurs moins favorisés, qui a été une source de bénédictions et qui a encouragé les Églises d’El Redil. Le risque que la mission a pris il y a vingt ans de démarrer des Églises parmi les professionnels de Medellín a été très utile à l’association colombienne. Les Églises d’El Redil ont procuré beaucoup plus à l’association que toute l’aide que nous avons pu apporter en tant que mission », a-t-il précisé.

Tant la mission que les Églises sont dédiées à l’établissement de nouvelles rampes de lancement pour l’Évangile. Diego Cardona indique qu’il y a actuellement trois projets d’implantation d’Églises en préparation, soit à Puerto Viejo, à Santa Marta et à Sabaneta. Deux autres projets d’implantation sont à l’étude à La Ceja et à Barranquilla.

Ces nouvelles Églises ont besoin de leadership et c’est ainsi que de nouvelles équipes d’implantation d’Églises sont sur le point d’être formées. En Colombie, les pasteurs ne se déplacent pas d’église en église aussi souvent que leurs collègues en Amérique du Nord. Ce qui signifie que les pasteurs doivent croître eux-mêmes s’ils espèrent diriger une Église en croissance. D’importantes mesures ont été entreprises pour assurer la santé émotionnelle, psychologique et spirituelle des hommes et des femmes à l’avant-scène du ministère exercé dans nos Églises colombiennes.

Parce que l’association nationale a accepté la responsabilité d’un ministère continu parmi les Églises et de leur croissance future, des gens comme Phil et Deene Webb ont été capables d’œuvrer dans d’autres sphères du ministère. Les Webb ont ainsi fondé un centre de retraite à l’extérieur de Medellín qui offre des services pour aider les pasteurs à se remettre sur pied et à les revitaliser ainsi que leur équipe de leaders au sein de leur Église locale. Les principes et les programmes mis en œuvre à ce centre de retraite sont devenus des outils utiles pour notre personnel exerçant un ministère dans les autres pays d’Amérique latine. D’autres ressources ont été développées dans les régions où ce genre d’aide n’existait pas encore. Ainsi, l’enseignement et la formation sont disponibles, en ce qui a trait à la théologie de la souffrance en réponse à la théologie de la prospérité, ou encore sur ce qu’un leadership au service de la communauté implique et sur la façon d’exercer un ministère auprès des gens brisés sur le plan sexuel et relationnel.

Un ministère qui plaît à Dieu doit être tourné vers l’extérieur et nos Églises colombiennes sont devenues des leaders dans le domaine de la justice sociale. La clinique de counseling Vínculo, unique en son genre à Medellín, offre de l’aide professionnelle aux chrétiens comme aux non-chrétiens. Abba Père, un autre ministère unique de cette ville, cherche à aider ceux qui sont brisés sur le plan sexuel et relationnel. Claudia Cardona, la femme de Diego, a joué un rôle déterminant dans la mobilisation de l’Église pour la mise sur pied d’un centre de jeunesse à Barrio Pacífico qui assure le bien-être physique, émotionnel et spirituel de dizaines d’enfants provenant d’une des régions les plus pauvres et les plus dangereuses de Medellín.

Les Églises de Colombie ont une autre passion, celle-ci destinée à atteindre les gens perdus au-delà des frontières. Les Églises d’El Redil désirent savoir comment elles peuvent commencer à s’impliquer dans une œuvre missionnaire en Colombie, mais également en dehors de ce pays. Alors qu’elles ont autrefois accueilli des missionnaires, désormais elles désirent, par la grâce de Dieu, élargir leur ministère en envoyant des missionnaires à leur tour.

 

Lynda Schultz a été autrefois missionnaire en Colombie. Norman Nielsen a été missionnaire en Colombie et est maintenant le directeur associé du Fellowship à l’étranger et le coordonnateur de AIDE (Aide Indispensable aux Défavorisés à l’Étranger).