Pour l'amour des Canadiens français

LESSOR FALL 2014 - 2 Heron« J’avais 22 ans et j’étais célibataire lorsque j’ai été jeté en prison pour avoir prêché l’Évangile au Québec. J’étais prêt à passer ma vie entière en prison, si cela était nécessaire pour que l’Évangile soit présenté aux Canadiens français. » Telles sont les paroles prononcées par le révérend Murray Heron lors d’un congrès régional bien des années plus tard, qui étaient le reflet de la passion qui a caractérisé toute une vie de ministère consacrée à la présentation de la Bonne Nouvelle de la grâce salvatrice de Dieu aux Québécois.

C’est le 12 juillet dernier que Murray, dans sa quatre-vingt-dixième année, s’en est allé rejoindre le Seigneur qu’il a si vaillamment servi avec fidélité. Une célébration à sa mémoire a eu lieu le 25 juillet 2014 à l’Église Baptiste Évangélique Emmanuel à Pierrefonds au Québec. Son sacrifice, son influence et son dévouement pour le Seigneur resteront dans nos mémoires et continueront d’être honorés. Un bon nombre de ses expériences s’échelonnant sur cinquante années de ministère, y compris ses premières années au nord-ouest du Québec sont racontées dans son autobiographie intitulée : Un cœur pour les Québécois.

Le président du Fellowship, Steve Jones, a entendu Murray à un congrès régional, évoque ses souvenirs ainsi :

« Murray racontait qu’il avait été invité par W. J. Wellington à visiter Val-d’Or alors qu’il était encore étudiant au séminaire. Dès son arrivée, ce flamboyant prédicateur avait appris qu’il devait prêcher en anglais à Val-d’Or le matin suivant, puis en français à Malartic le même soir. Il a presque cédé à la panique, surtout à cause de ses connaissances limitées en français. Murray avait alors raconté : “Ce soir-là, j’ai prêché le pire sermon qui ait jamais été prêché au Québec. Quelle chose incroyable : M. Wellington avait insisté pour que j’y retourne.”

En 1947, Murray est devenu le pasteur d’une Église anglophone à Rouyn-Noranda. Tôt après son arrivée, il a commencé à prêcher en plein air en français et à visiter les contacts parmi les Canadiens français suscités par la distribution de traités et par la radio. Il a commencé à tenir des rencontres en français et bientôt l’église est devenue bilingue. Bien que cette époque ait été marquée par les hostilités et la persécution, Murray a poursuivi sa mission, animé par un fardeau ardent pour les Canadiens français et l’assurance que Dieu l’appelait à accomplir cette tâche. Il avait le plein soutien de sa congrégation et il a reçu l’aide d’un diacre, Leslie Barnhart, un homme d’affaires prospère, qui a vendu son magasin par la suite et a utilisé ces fonds pour subvenir à ses besoins dans son ministère à Rouyn et à La Sarre.
Murray a épousé Georgia Dalzell, originaire de Noranda en 1952, et ils ont eu cinq enfants.

De nombreuses personnes se souviendront de Murray. Son zèle à servir le Seigneur, quel qu’en soit le prix continuera à servir de modèle à tous ceux qui l’ont suivi. Janice Burdon, écrivant pour le Montreal Times, raconte :
« J’étais si bouleversée par ce que j’avais entendu à propos de la Charte des valeurs que je ne parvenais pas à dormir. Comment en étions-nous venus à cela? Comment les gens pouvaient-ils être intolérants à ce point? Jusqu’où allions-nous aller pour protéger le droit de la liberté religieuse, qu’elle soit verbale ou symbolique? C’est alors que je me suis souvenu d’un livre que j’avais lu. Il s’agissait d’un homme, contre vents et marées, qui avait énormément souffert, et qui avait même été jeté en prison pour avoir exprimé ses croyances dans une province désespérée d’entendre des mots d’amour et de tolérance. Voici donc son histoire :
" Sa mission consistait à témoigner de sa foi au Québec, là où les gens avaient faim et soif de l’amour de Dieu. L’occasion lui a été offerte lorsqu’on lui a demandé de prêcher à Rouyn-Noranda, une petite ville minière située à plus de 690 kilomètres de Toronto. Là-bas, il avait été bouleversé d’apprendre que beaucoup de Canadiens français n’avaient jamais entendu parler du Nouveau Testament. Et c’est ainsi que son fardeau a commencé à croître à tel point, qu’il tenait des rencontres d’évangélisation en plein air, proclamant l’amour de Dieu par des sketches, des chants et la prédication. Des centaines de personnes désiraient écouter son message et s’assemblaient lors de ces rencontres, car elles voulaient entendre ce que cet homme et ses aides avaient à dire. Ce message parlait de la grâce et non de la peur. M. Heron, de concert avec ses amis a été empêché à de nombreuses reprises de parler, car ils n’avaient pas de permis à cet effet. Ce qui était chose presque impossible à cette époque; cependant, ils ont poursuivi leurs prédications malgré cela. Les gens avaient le droit de l’entendre et M. Heron avait le droit de s’exprimer.

Au printemps de 1947, la scène politique au Québec a été dominée par le parti de l’Union Nationale fermement implanté dans cette province sous la direction de Maurice Duplessis, un homme politique résolu qui a été premier ministre pendant plus de dix-huit ans. Les politiciens s’accordent aujourd’hui pour dire que sous l’hégémonie de Duplessis, la province a sombré dans une période noire et répressive. Ces années ont été marquées par la noirceur et la répression. […] Au Québec, l’opposition violente à l’Évangile n’était rien de nouveau. (1). Des bandes d’émeutiers s’étaient introduits par effraction dans les Églises et déchiraient les bibles et les recueils de cantiques. C’était à ce moment que la foi de M. Heron allait être mise à l’épreuve. Un samedi soir, pendant une réunion d’au moins cent personnes, deux voitures de police ont fait leur apparition et six policiers en sont sortis. Les agents de police les ont sommés de s’en aller, car ils n’avaient pas la permission de tenir des réunions en plein air et qu’ils seraient ainsi passibles de deux mois de prison s’ils ne se conformaient pas à la loi! La foule était sur le qui-vive, dans l’attente de voir ce que M. Heron ferait. Il savait que le maire de Rouyn refuserait de lui accorder un permis même si beaucoup de gens aimaient entendre le message de M. Heron. Ce dernier avait toujours été un citoyen obéissant aux lois, M. Heron s’est trouvé face à cette décision cruciale. Il avait cependant décidé qu’il ferait la volonté de Dieu, quel qu’en soit le coût. Les policiers lui ont mis les menottes aux poignets et l’ont jeté dans une prison sale avec les autres, avec du gruau et un pied de porc pour toute nourriture."

La couverture médiatique et la pression de l’opinion publique ont joué en faveur de M. Heron. Malgré tout, à plusieurs reprises, ils ont écopé de plusieurs séjours en prison, se sont fait battre, cracher au visage et on leur a mis le feu sur eux, M. Heron et son groupe ont persévéré et ont témoigné de leur foi, sans violence. Ils sont devenus ainsi si populaires qu’ils ont pu animer une émission radiophonique régulière intitulée « Sur les ailes de la foi. » Lors de cette émission, M. Heron prêchait le message de l’amour de Dieu. M. Heron et son groupe sont passés de protestants méprisés à des vedettes de la télévision portant un message d’espoir et de vie. Si tant est que la mère supérieure d’un couvent de Rouyn les a même invités à manger! C’est ainsi que Murray Heron est devenu un missionnaire-pionnier au Québec, là où les gens peuvent aujourd’hui aller et adorer librement Dieu sans être punis. Son exemple de bravoure et son attitude pacifique, qui n’a pas reculé dans l’adversité sert de défi à notre gouvernement. La liberté de l’expression religieuse est un cadeau. Un cadeau qui une fois donné, ne devrait jamais être repris et doit toujours être respecté. » (2)

Georgia et Murray Heron sont allés servir d’autres congrégations au Québec et ont apporté l’Évangile aux Canadiens français pendant plus de cinquante années. Murray a également servi de mentor et de modèle à beaucoup de jeunes hommes, désireux de marcher dans ses voies et d’apporter l’Évangile partout au Québec et ailleurs. Il est intéressant de préciser que cette année, le Fellowship retourne dans la région nord-ouest du Québec, où Noël Morissette qui a été nommé par le service des ministères francophones encouragera les œuvres où les frères Heron ont consacré leur vie, pour y faire de l’évangélisation dans cette région. Murray aurait été content.

(1) (2) Extraits adaptés du livre Un cœur pour les Québécois, publié par L’Œuvre française, 2004)