Les enfants de la tierce culture

Spring/Summer 2017 - Marttunen article imageL’expression anglo-saxonne « third-culture » définit une nouvelle culture composée par l’alliage de deux cultures préexistantes ; elle décrit souvent la culture des enfants de missionnaires. De telles tierces cultures constituent un amalgame qui allie des éléments de la culture des parents comme ceux de la culture du pays d’accueil. Soulignons qu’une tierce culture est unique : ce n’est pas l’apanage de l’une ou l’autre de ces cultures participantes. Cette tierce culture comporte à la fois d’énormes avantages et des défis inhérents à ce phénomène.

Bien souvent, les enfants éduqués dans une tierce culture vivent des étapes caractérisées par l’absence de sentiment d’appartenance, quel que soit leur lieu d’habitation. Au fond de leur cœur, ils peuvent s’identifier davantage avec la culture de leur pays d’accueil ; cependant, leur apparence et leur langue maternelle ne cadrent pas avec cette dernière. Pour bon nombre d’entre eux, les questions « Qui suis-je ? » et « Quel est le lieu auquel j’appartiens ? » peuvent engendrer une douleur bien avant de susciter des racines et des ailes. La plupart des adolescents passent par une transition caractérisée par la quête de leur identité au sein de leur foyer, puis parmi leurs amis et leurs pairs. Les enfants de la tierce culture doivent relever davantage de défis dans ce domaine puisqu’ils n’éprouvent aucun sentiment d’appartenance en aucun lieu ou du moins, c’est ainsi qu’ils se sentent. Ce qui a pour résultat un sentiment accru d’anxiété sociale, qui peut conduire à un mal-être ou à la dépression. Malgré cela, beaucoup d’enfants d’une tierce culture finissent par découvrir les énormes avantages sur le plan social engendrés par leurs expériences interculturelles uniques.

Certains comportements, dans des contextes sociaux, caractérisent les enfants d’une tierce culture ; le fait d’aller en profondeur très intensément et rapidement vient au premier rang. La plupart des enfants issus d’une monoculture trouvent cela très bouleversant et comme il se doit, se tiendront à l’écart, si bien que les enfants de la tierce culture se sentiront rejetés. De plus, ces derniers perçoivent bien souvent les enfants issus d’une monoculture comme étroits d’esprit et immatures. La plupart des enfants de missionnaires ont dû composer avec des structures sociales et des circonstances beaucoup plus complexes que celles des enfants issus d’une monoculture : le transport national et urbain particulier, l’injustice sociale, l’extrême pauvreté, les voyages en avion dans le monde, des structures gouvernementales compliquées, la langue et la culture ainsi que du personnel armé. L’expérience de vie d’un enfant d’une tierce culture est entièrement différente de celle d’un enfant issu d’une monoculture. En conséquence, le fait d’être différent suscite l’absence de sentiment d’appartenance, quel que soit le lieu où ils se trouvent.

Beaucoup d’enfants qui ont grandi dans une tierce culture bénéficient de deux avantages : le premier est le fait d’être éduqué avec d’autres enfants d’une tierce culture auprès desquels ils se sentent compris et acceptés. Malheureusement, le prix à payer est la séparation d’avec leur famille, puisque ces écoles sont souvent des pensionnats, qui ne conviennent pas à tous les enfants, mais qui présentent d’énormes avantages pour d’autres, puisqu’ils leur permettent d’acquérir une indépendance croissante. Le second avantage consiste à leur participation dans divers programmes de réinsertion lors de leur retour au pays de leurs parents. Nous nous sommes regroupés avec d’autres agences pour offrir un excellent programme intitulé Redémarrage. Des bénévoles et des professionnels travaillent ensemble pour aider les enfants de la tierce culture à se comprendre eux-mêmes et à comprendre les autres dans un contexte de soutien spirituel et de formation de disciples.

Pour aider les enfants de la tierce culture à devenir florissants, leurs parents missionnaires doivent se regrouper avec les autres missionnaires et le personnel de soutien pour leur procurer ce qu’ils ne peuvent eux-mêmes donner, pas plus qu’ils ne le doivent : une communauté de soutien significatif, semblable à une petite Église. Ils ont besoin d’un groupe de gens qui se soutiennent les uns les autres de manière communautaire pour que chacun des membres de la famille soit florissant. Nous aimons nos familles missionnaires et nous faisons tout ce qui est en notre pouvoir pour leur procurer le soutien dont ils ont besoin par notre personnel, nos missionnaires, et d’autres programmes de soutien. Nous ne voulons pas qu’ils se contentent de survivre, mais bien qu’ils deviennent florissants !

 

— Dave Marttunen est directeur du Fellowship à l’étranger.

 

« Ma plus grande lutte consistait à apprendre une deuxième langue et à l’intégrer à une nouvelle culture par laquelle j’ai développé une sensibilité particulière envers les gens de nationalités et de cultures différentes. À mon retour au Canada, j’éprouvais de la sympathie envers les étrangers ; il est facile d’établir des liens et de communiquer avec eux. La plus belle récompense que j’ai reçue a été d’être témoin de la foi en action, des réponses aux prières et de la main protectrice de Dieu et des échanges bienveillants avec son peuple. Il s’agissait du commencement d’une foi profonde et de confiance en Dieu qui m’ont aidé dans mon parcours. »
                                                                  — Holly Robinson (Brubacher) 

« Ciao ! est une expression italienne qui signifie à la fois bonjour et au revoir. Elle caractérise également le sentiment à la fois le plus facile et le plus difficile qu’il m’a été donné d’exprimer. En tant qu’enfant d’une tierce culture, j’ai appris à anticiper le changement. J’ai changé de pays, de langues, de maisons, d’écoles, d’Églises, et chaque fois, j’ai rencontré de nouvelles personnes. Il est devenu facile pour moi de dire Ciao (allô) à beaucoup de personnes différentes et merveilleuses. Cependant, il était également difficile d’avoir à dire ciao, au revoir, à mes nombreux amis devenus chers. J’ai appris à accorder une grande valeur à l’amitié et à la famille par-dessus tout. Ciao ! »
                                                                  — Gioia Stover (Bruno)


« Même si ce sont mes parents qui ont été appelés à servir le Seigneur au Pakistan, le fait d’être un enfant de missionnaires signifiait que l’appel s’étendait jusqu’à moi également. Le fait d’être un enfant de missionnaires n’a jamais été un choix personnel, mais cela m’a façonné dans tous les aspects de ma personne. Le fait de grandir dans la simplicité et d’apprendre à devenir indépendant dans le contexte du pensionnat en tant qu’enfant de missionnaire au Pakistan m’a préparé à relever bien des défis auxquels je fais face aujourd’hui. »
                                                                   — Stephen Wiley