La guerre des baptistes des années 20

Fall2017 - Baptist war image FRENCHUne controverse théologique n’est jamais agréable. Pourtant, les saints ont dû y faire face à un moment ou l’autre au nom de l’intégrité et de la fidélité de leur Seigneur et Dieu.

Il en fut ainsi dans ce qu’il est convenu d’appeler la controverse des fondamentalistes et des modernistes. Elle a frappé les baptistes, tout comme diverses confessions de foi partout en Amérique du Nord, pendant les années 20. Au milieu de cette controverse entourant la phase des baptistes de l’Ontario, figuraient les convictions théologiques de Laurance Henry Mashall (1882-1953), professeur de théologie pratique à la McMaster University, propriété de la Baptist Convention of Ontario and Quebec, près de la rue Bloor et de l’avenue Road à Toronto, l’endroit précis de l’actuel Royal Conservatory of Music. Il est essentiel de reconnaître le rôle primordial de la McMaster dans la formation des ministres du culte des Églises baptistes tant en Ontario qu’au Québec. Une éventuelle compromission de cet établissement relative aux vérités bibliques fondamentales aurait des effets dévastateurs sur les Églises qui confiaient la formation de leurs pasteurs et de leurs dirigeants à cet établissement.

M. Marshall était un Britannique, doté d’une personnalité charmante ainsi que de l’éloquence d’un tribun, dont le style rappelait les grands prédicateurs victoriens. Par contre, M. Marshall était fortement animé de la pensée moderniste. Dans un article rédigé quelques années après cette controverse, M. Marshall déclarait son appui à la théorie de l’évolution, son rejet de l’infaillibilité de la Parole de Dieu, et son aversion de l’idée selon laquelle la mort du Seigneur Jésus était une punition auxiliaire des péchés de son peuple. Il semble avoir considéré le message des Écritures comme étant inspiré, mais pas ses mots en eux-mêmes. En ce qui concerne la doctrine de l’expiation, il considérait la crucifixion de Christ comme l’exemple de l’amour suprême, mais pas la propitiation pour les péchés des pécheurs.

Thomas Todhunter Shields (1873-1955) était le plus fervent critique de M. Marshall et le dirigeant de la McMaster University. Il avait été pasteur de la Jarvis Street Baptist Church à Toronto pendant la majorité de sa vie adulte. Comme l’a souligné le magazine protestant libéral The Christian Century en 1929, il était doté d’une personnalité dominante sans conteste parmi les dirigeants chrétiens conservateurs à cette époque. T. T. Shields était diamétralement différent du charmant L. H. Marshall, puisque certaines personnes le considéraient comme acerbe et souvent dominateur. Cependant, M. Shields connaissait l’importance capitale de demeurer ferme devant les vérités fondamentales de la Bible.

Pendant deux années, entre le Congrès baptiste de l’Ontario et du Québec de 1925 et celui de 1927, une guerre ouverte, au moyen de discours, d’imprimés ainsi que par divers ralliements partout en Ontario a fait rage sans relâche entre M. Shields et ses alliés et ceux qui étaient du camp de M. Marshall. La controverse des années 20 n’était pas une question de personnalités divergentes, mais bien sur la fidélité à la Parole de Dieu. Leslie K. Tarr, auteur de la seule étude d’importance publiée sur T. T. Shields, s’est interrogé ainsi : « Même si T. T. Shields était abrasif et provocateur, ses traits de caractère invalident-ils ses accusations ? » En définitive, nous devons reconnaître que malgré une personnalité difficile, c’est grâce à sa fidélité envers la vérité biblique que T. T. Shields a tant fait pour prévenir la dilution de la vérité biblique chez les baptistes de l’Ontario.

Cette controverse a atteint son paroxysme lors du Congrès annuel de 1927. M. Marshall a défendu son point de vue et a demandé aux délégués du Congrès des Églises baptistes de l’Ontario et du Québec de 1927 :
« En tant que baptistes, défendrons-nous l’ignorance, l’obscurantisme et l’intolérance ou nous rallierons-nous aux grands hommes dont les noms figurent sur notre répertoire de baptistes célèbres ? Et à mon humble avis, le plus grand d’entre eux est William Carey, le grand précurseur de l’entreprise missionnaire moderne. Favoriserons-nous l’éducation biblique rigoureuse, l’amour de la vérité, la tolérance, la liberté raisonnable, avec la devise de McMaster où figurent ces mots fondateurs : “En Christ, toutes choses concourent.” »

L’appel de M. Marshall de se joindre “à tous les véritables grands hommes” du passé des baptistes, à William Carey (1761-1834) en particulier, l’un des grands précurseurs du mouvement missionnaire moderne, tend à soutenir que M. Marshall était convaincu que son type de théologie baptiste non confessionnelle était la norme dans l’histoire des baptistes. Certes, une faible majorité de baptistes avait démontré de la méfiance à l’égard des convictions religieuses et des confessions ; cependant, M. Marshall avait tort de penser que telle était la norme ou que William Carey figurait parmi cette minorité.

Lors des Congrès annuels de 1926 et de 1927, il appert que la position de M. Marshall a été adoptée et donc, la Jarvis Street Baptist Church dirigée par le pasteur T. T. Shields a été expulsée du Congrès ainsi qu’une douzaine d’autres Églises récalcitrantes. M. Shields a réagi en formant une toute nouvelle entité d’Églises baptistes, The Union of Regular Baptist Churches of Ontario and Quebec, qui à cette époque, est devenue un courant fondamental qui a mené à la création de notre Fellowship actuel. Les fondateurs de ce Fellowship connaissaient très bien la grande dette qu’ils devaient à T.T. Shields et à sa détermination pour défendre la vérité.

 

—Michael Haykin est professeur de l’histoire de l’Église et de la spiritualité biblique et directeur du Andrew Fuller Center for Baptist Studies au Southern Baptist Theological Seminary à Louisville au Kentucky.