Une mesure saine contre l’insalubrité « missionnale »

General - Sans abri dans le parc« Vous voyez ceci? » avait crié un homme sans abri à mon endroit, les larmes aux yeux,  brandissant un gros cristal de crack de la poche intérieure de son manteau.« C’est à cause de vous que j’ai le goût de fumer ça toute la journée.»

Mon ami, un toxicomane endurci d’Halifax, séjournait dans la rue depuis plus de 30 ans. Il avait perdu plus d’amis qu’il ne pouvait se le rappeler. Au Canada, l’espérance de vie pour ceux de la rue est de sept ans, avant qu’une personne itinérante ne soit atteinte d’une maladie ou que sa dépendance soit telle qu’elle ne l’entraîne dans la mort. Mon ami faisait partie de ceux-là.

Avez-vous déjà essayé d’être le messie d’un ami? Je crois que la vocation missionnaire de mon cœur était droite; j’avais beaucoup prié et souvent avec cet ami de la rue. J’ai ri avec lui, je l’ai écouté, j’ai échangé avec lui, lui donnant même des conseils pieux (et même paternels) sur la manière de changer les choses. Je l’ai assuré qu’il valait mieux que son passé, que son avenir pourrait être mieux qu’une simple accumulation de son présent. Je lui ai procuré un logement, lui ai remis des instructions pour qu’il cherche du travail, je l’ai conduit lors de ses rendez-vous chez le médecin et je lui ai donné à manger.

Cependant, ce jour-là, mon ami était retourné dans les dédales de la dépendance et de l’autodestruction. Alors que je lui offrais une lourde dose de discours moralisateur à l’ancienne, j’ai reçu un « coup de poing » en plein visage au figuré. Mon besoin de me sentir bien dans mon rôle« missionnal » était truffé de platitudes morales, et n’était capable de montrer qu’un vague espoir. Mais il était vain lorsqu’il a fallu montrer la profondeur de la rédemption qu’avait besoin  mon ami. Il avait besoin du Messie que j’étais incapable d’être. L’évangélisation sans le travail « missionnal » est inefficace, mais le travail « missionnal » sans l’évangile est stérile.

Ce jour-là, l’Esprit de Dieu m’a convaincu de mon besoin malsain de remporter un succès « missionnal » dirigé vers moi plutôt que vers Christ. Cette révélation continue de hanter mes pensées. Ce jour-là, j’ai pleuré avec mon ami et je lui ai demandé pardon d’avoir essayé de le « sauver ».Je lui ai donné l’assurance qu’il n’était pas mon projet, mais que j’étais simplement son ami et que seul Dieu, dans son immense amour, pouvait guérir les blessures profondes de sa vie. J’ai pleuré et je lui ai simplement offert Jésus et le pouvoir de son évangile.
Sous le choc, silencieux, il s’est en allé et a beaucoup consommé ce week-end-là. Mais quelque chose avait changé. Moins mordant envers moi, il ne me voyait plus comme moyen d’obtenir des choses gratuites. Il a cessé de me demander de combler ses besoins physiques, même si je n’ai pas cessé de lui offrir de l’aide.

Deux mois plus tard, il s’est présenté à l’église, est resté quinze minutes, suffisamment pour lever son pouce à l’arrière pendant que je prêchais à propos de Jésus à l’avant. Un an plus tard, il est resté pendant tout le service d’adoration. Cette semaine-là, il s’est assis avec moi pour me poser des questions et me faire jurer que je l’aiderais à écrire ses dernières volontés.
Nous apprenons qu’être une Église « missionnale » n’est pas d’amener ces « moins que rien » à un mode de vie sain qui ressemble au nôtre. Il s’agit plutôt d’approfondir, de comprendre et de mettre en application l’espoir de l’évangile de Christ appuyé sur nos vies malsaines qui nous forcent à apporter l’expression authentique de Jésus dans la vie des autres. Nous apprenons que c’est « la grâce de Dieu qui nous conduit à la repentance ».

Brad Somers est le pasteur principal de l’Église PAXnorth à Halifax, en Nouvelle Écosse.
www.paxnorth.ca